propos recueillis par : Eric GAUCHE-COTTAVOZ
et Jacques DUCRET
A pied, nous descendons la rue
Thiers, pour arriver dans la cour qui abrite “L’éclat de verre“. Sur le seuil
Pierre-Yves Chavanon nous attend.
-J.D.
Sire, mes hommages ! Permettez-moi de vous présenter Eric qui a souhaité vous
rencontrer.
- EGC.
Majesté !
- PY.C.
Chut ! Je suis ici incognito ; Eric, bienvenue dans mes propriétés et toi
Jacques arrête tes bêtises.
Nous pénétrons dans le magasin, puis dans le bureau de notre hôte.
-J.D.
Je vois que tu es très occupé, alors si tu le veux bien pour débuter je vais
emmener Eric au premier, voir l’exposition.
-PY.C
Merci, le temps de donner un coup de téléphone et je suis à vous,
Là haut, vous pouvez prendre toutes les photos que vous désirez.
Dans cette soupente, que l’on atteint par un escalier en colimaçon, nous attend
un somptueux décor, En miniature, des Châteaux, bâtiments et pièces célèbres :
L’orangerie de SAR Elisabeth, sœur du roi Louis XVI, guillotinée à 30 ans, La
couronne et l’habit d’apparat du Roi Soleil, L’abbaye Royale Ste Christine avec
son cloître dont on voit sortir les moniales se rendant à l’office. Plus
contemporain « La Maison Blanche“ et le bureau ovale du Président Kennedy, Dans
une seconde pièce des miniatures moins célèbres : métro, atelier, cave à vin,
garage. etc..
Un émerveillement pour les yeux. Que de justesse, de détails, de précisions !
Nous redescendons, Pierre-Yves semble préoccupé.
- PY.C
Oui je suis perturbé, la mort de mon père, décédé il
y a quatre mois ; il me laisse 650 tableaux à répertorier, à présenter...
Oui, mon père, Albert Chavanon était restaurateur des bâtiments nationaux et
rentoileur de tableaux, ceux de Versailles en particulier. Mais il était
également peintre, il a réalisé au moins un millier de toiles....
J’ai tout photographié, mis sur ordinateur, je dois à présent classer par lieu,
dates, etc... c’est très émouvant.
Un caramel à l’ancienne ? Mon grand père me faisait goûter les caramels
“Pierrot“ au lait.
- J.D.
C’’est vrai, tu n’es pas grenoblois d’origine, mais
breton.
- PY.C
Oui, je suis exilé, en fait, pour une question de
sûreté de la République. (Eclat de rire)
- E.GC. Quel coin de Bretagne ?
- PY.C Saint
Brieux. Mon père a beaucoup peint la Bretagne, puis le sud-est,
Les baux de Provence.
- E.GC.
Parlons un peu de vous. Qui êtes-vous ? quel fut votre enfance, etc…
- PY.C
J’ai atterri à Saint Brieux en 1964, comme je vous
l’ai dit, d’un père restaurateur des Palais Nationaux en Bretagne, puis j’ai
passé mon enfance à Versailles. Je me sens exilé du XVIII° siècle et, en même
temps, otage, malgré moi de ce siècle.
La société “l’Éclat de Verre“, de laquelle je suis un des responsables, injecte
directement ce dont mon cerveau a besoin, J’y suis comme un poisson dans l’eau,
la création, la décoration sont ma raison de vivre. Les gens pensent petits
cadres, je vous parle décoration, ambiance, en clair haute couture.
J’aime partager ce que je connais avec les autres, ainsi quand j’ai appris à
faire un site informatique pour réaliser celui de mon père, je l’ai construit
pour que chacun puisse se tirer l’œuvre qui lui plait sans redevance, et je suis
devenu gratuitement le web master pour les 40 magasins du groupe, catalogue,
tarifs ? etc... Maintenant je fais cela pour les amis.
Je conseille, je préfère qu’une cliente m’achète une colle peu coûteuse. mais
qui corresponde au travail à exécuter:
- « Non, Madame, cette colle ne marchera jamais pour ce que vous voulez faire ;
celle-ci, qui coûte bien moins chère, conviendra parfaitement.
- Je suis complètement idiote !
- Madame, ne dites pas ça, une femme est “distraite“ ; c’est ce qu’on dit à la
cour de Versailles. »
- E.GC
Comment vous est venu l’idée de faire des
miniatures ?
- PY.C
C’est simple, j’adore les châteaux, comme je n’ai pas les moyens de m’en payer
alors je les fais en miniature. Ils m’entourent et je vis avec eux. J’ai
toujours aimé faire les châteaux, leur intérieur, la chambre du roi, de la
reine.
Il me plait à demander aux femmes, en m’adonnant à mon jeu de mots favori, si la
chambre du roi leur a plu.. Ces dernières m’ont toute répondu « oui ! » Alors,
« Madame, vous manquiez à la Cour et ... au Roi.
Le
prestige de la monarchie est extraordinaire dans mon monde où tout est
merveilleux : roi, prince, princesse, regardez les contes de fées ... il y a
toujours un prince.
Tiens je vais vous montrer un tableau. C’est le portrait officiel de “Pierre
XIV“ avec le blason officiel de ma famille! mais il y a eu la révolution !
Ma grand-mère possédait l’Orangerie de la sœur de Louis XVI, car il y a deux
“Orangerie“, la grande au château, l’autre dans la ville de Versailles, avenue
de Paris. C’est le cadeau de Louis XVI à sa sœur Elisabeth de France,
guillotinée à 30 ans. Alors j’ai fait la grande et, devant elle, la petite.
Ça me remet en mémoire de nombreux souvenirs : Enfant je prenais mon
petit-déjeuner, là, dans une tasse en porcelaine de chine, avec de l’argenterie
de Sèvres, à mes pieds un jardin à la française ...
Génial dans ce cadre, mon vélo, ma grand-mère ; de mon enfance j’ai des
souvenirs magnifiques, on ne se rend pas compte de toute cette chance, et
maintenant j’essaye de transmettre tout ça à mes enfants ;
Mon fils de 21 ans me réponds : « Papa, c’est une vraie “cata“, tu es un
véritable gosse ! »
« Oui, mais c’est ma force, il faut que je reste cet enfant c’est grâce à lui
que je peux réaliser ma vie d’adulte et celle de dirigeant d’entreprise. »
- J.D.
Tu es un poète et pour être poète, il faut rester
enfant.
-
PY.C. C’est affreux, dans la rue les gens
marchent, tête baissée, ils te bousculent sans te voir. Moi, je suis dans un
autre monde, au milieu de mes châteaux, je me mets de la musique classique,
Rameau, du Vivaldi, et je bricole, c’est un régal.
Mais je n’ai pas fait que des châteaux royaux,,j’ai réalisé aussi la Maison
Blanche et le palais de l’Elysée.
Maintenant certains voisins commerçants veulent que je fasse leur boutique, et
j’en fais des tas... le coiffeur d’à coté, une agence de voyage, un atelier de
haute couture, une brasserie, et une cave.
- E.GC.
Revenons au monde des châteaux.
-
PY.C. Je trouve ça superbe, j’ai commencé
à faire des petites maquettes, comme beaucoup, puis j’ai rencontré quelqu’un du
club internet de la miniature française, je me suis abonné à leur revue j’ai
fait un article sur les parquets et différents autres... Il m’a conseillé de
construire à l’échelle internationale de 1/12 (valable aux USA, dans les pays de
l’UC, etc…)
Mais ça oblige à réaliser des pièces monumentales, ainsi, il m’a fallu 8 kilos
de farine pour enneiger les pelouses du château de Versailles, mais ensuite,
quand on a voulu reverdir les pelouses en passant l’aspirateur, nous avons créé
un festival d’étincelles dues à l’électricité statique. !
- E.GC.
Faites-vous des expositions ?
- PY.C.
Oui, au centre commercial de Grenoble ; J’ai voulu
que ce soit gratuit pour que les gens puissent tous venir voir. j’ai exposé
également à Meylan à l’Hexagone, là, c’était payant car le profit allait à la
lutte contre le Cancer.
- J.D.
Tu as des maquettes partout dans le monde.
- PY.C.
A Versailles, la seconde Orangerie ; elle appartient
au Conseil Général. A Washington, il y a la “Chambre du Roi“, et puis dans des
collections privées, mais je ne vends pas, je préfère offrir.
- J.D.
Et le Château de Versailles ?
- PY.C.
Il est dans le grenier, démonté, il fait 13 m2.
J’ai écrit 3 livres : le premier avec un éditeur qui avait des idées et le
second avait le coup de foudre pour mes créations, quelqu’un d’extraordinaire
sur le plan humain ! Le Député-Maire Mr Destot voudrait faire une exposition
place de Verdun à l’ancienne bibliothèque devenue un musée avec des expositions
temporaires.
Alors je lui ai dit « Je veux bien exposer, mais mes maquettes ne sont pas en
allumettes, voyez vous-même, ne m’invitez pas à un dîner de cons ! » Il a
éclaté de rire avec sa cour !
Vous savez, tout le monde ne m’aime pas ! Je reçois des lettres d’insultes par
la poste, anonymes, bien sûr.
« Vous n’êtes que la pâle copie de votre fille ! »
« A votre mort, vos enfants jetteront tout ça aux ordures et personnes ne
viendra les ramasser dans les poubelles. »
Il y en a de plus salées, mais, plus c’est agressif, meilleur est mon plaisir.
- E.GC. Oui,
c’est bien de pouvoir traiter tout ça par la dérision. Et c’est même la
meilleure des réponses.
- J.D.
Ne jamais se prendre au sérieux. Tu as toujours su le
faire, mais, cependant tu as aussi eu droit aux honneurs ?
- PY.C.
Oui, en 1999, j’ai remporté le 3° Prix de
“Paris-Création“ En 2001 France 2 a diffusé une présentation de “la chambre du
Roi“, de la “Galerie du couronnement“, de La “Chambre de la Reine“. Et, Fr3,
un reportage, “Un homme une Passion“, etc...
Mais je préfère rester dans ma bulle ; J’ai mes principautés, mes châteaux et
les élèves de l’école d’architecture viennent pour les étudier.
Des enfants les visitent avec leur professeur, les Compagnons du Tour de France.
Je fais également des ateliers pour apprendre à des enfants. Quand on a une
passion, il faut savoir la partager et, si possible, la transmettre.
- J.D.
C’est long pour faire une maquette ?
- PY.C.
Oui, pour la “Maison Blanche“, j’ai mis deux mois.
Par bonheur j’ai la chance de diriger “Eclats de Verre“, ça me donne la
possibilité d’avoir des ateliers, donc de l’espace.
On visite ?
En passant de pièce en pièce, il s’arrête ça et là, pour montrer et
expliquer. Là, tu vois, sur cette façade, les chenaux sont faits avec des
pailles à boire les jus de fruit. Sur le sol, les carrelages sont tracés avec
une mine graphite. Les sujets, je les ai moulés avec une résine conseillée par
mon père, lui qui durant quarante ans a restauré les plafonds de Versailles.
Cette résine est légère souple et peut se réutiliser des centaines de fois en la
réchauffant, et cerise sur le gâteau, elle est bien moins coûteuse que les
autres résines.
La visite se poursuit en parcourant les ateliers qui servent au magasin où se
construisent, entre autres, les encadrements, mais ceci est une autre histoire
...
Sites : miniatures.chavanon.free.fr et
albchavanon@free.fr