Journal  Création et Poésie décembre 2008
Au hasard des rencontres :
Pierre-Yves CHAVANON
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propos recueillis par : Eric GAUCHE-COTTAVOZ 
et Jacques DUCRET

A pied, nous descendons la rue Thiers, pour arriver dans  la cour qui abrite “L’éclat de verre“. Sur le seuil Pierre-Yves Chavanon nous attend.
-J.D. Sire, mes hommages ! Permettez-moi de vous présenter Eric qui a souhaité vous rencontrer.
- EGC. Majesté !
- PY.C. Chut ! Je suis ici incognito ; Eric, bienvenue dans mes propriétés et toi Jacques arrête tes bêtises.
Nous pénétrons dans le magasin, puis dans le bureau de notre hôte.
-J.D.  Je vois que tu es très occupé, alors si tu le veux bien pour débuter je vais emmener Eric au premier, voir l’exposition.
-PY.C Merci, le temps de donner un coup de téléphone et je suis à vous,
Là haut, vous pouvez prendre toutes les photos que vous désirez.
Dans cette soupente, que l’on atteint par un escalier en colimaçon, nous attend un somptueux décor, En miniature, des Châteaux, bâtiments et pièces célèbres : L’orangerie de SAR Elisabeth, sœur du roi Louis XVI, guillotinée à 30 ans, La couronne et l’habit d’apparat du Roi Soleil, L’abbaye Royale Ste Christine avec son cloître dont on voit sortir les moniales se rendant à l’office. Plus contemporain « La Maison Blanche“ et le bureau ovale du Président Kennedy,  Dans une seconde pièce des miniatures moins célèbres : métro, atelier, cave à vin, garage. etc..
Un émerveillement pour les yeux. Que de justesse, de détails, de précisions !

Nous redescendons, Pierre-Yves semble préoccupé.

- PY.C Oui je suis perturbé, la mort de mon père, décédé il y a quatre mois ; il me laisse 650 tableaux à répertorier, à présenter...
Oui, mon père, Albert Chavanon était restaurateur des bâtiments nationaux et rentoileur de tableaux, ceux de Versailles en particulier. Mais il était également peintre, il a réalisé au moins un millier de toiles....
J’ai tout photographié, mis sur ordinateur, je dois à présent classer par lieu, dates, etc... c’est très émouvant.
Un caramel à l’ancienne ? Mon grand père me faisait goûter les caramels “Pierrot“ au lait.
- J.D. C’’est vrai, tu n’es pas grenoblois d’origine, mais breton.
- PY.C Oui, je suis exilé, en fait, pour une question de sûreté de la République. (Eclat de rire)
- E.GC. Quel coin de Bretagne ?
- PY.C Saint Brieux. Mon père a beaucoup peint la Bretagne, puis le sud-estLes baux de Provence.
- E.GC. Parlons un peu de vous. Qui êtes-vous ? quel fut votre enfance, etc…
- PY.C J’ai atterri à Saint Brieux en 1964, comme je vous l’ai dit, d’un père restaurateur des Palais Nationaux en Bretagne, puis j’ai passé mon enfance à Versailles. Je me sens exilé du XVIII° siècle et, en même temps, otage, malgré moi de ce siècle.
La société “l’Éclat de Verre“, de laquelle je suis un des responsables, injecte directement ce dont mon cerveau a besoin, J’y suis comme un poisson dans l’eau, la création, la décoration sont ma raison de vivre. Les gens pensent petits cadres, je vous parle décoration, ambiance, en clair haute couture.
J’aime partager ce que je connais avec les autres, ainsi quand j’ai appris à faire un site informatique pour réaliser celui de mon père, je l’ai construit pour que chacun puisse se tirer l’œuvre qui lui plait sans redevance, et je suis devenu gratuitement le web master pour les 40 magasins du groupe, catalogue, tarifs ? etc...  Maintenant je fais cela pour les amis.
Je conseille, je préfère qu’une cliente m’achète une colle peu coûteuse. mais qui corresponde au travail à exécuter:
- « Non, Madame, cette colle ne marchera jamais pour ce que vous voulez faire ; celle-ci, qui coûte bien moins chère, conviendra parfaitement.
- Je suis complètement idiote !
- Madame, ne dites pas ça, une femme est “distraite“ ; c’est ce qu’on dit à la cour de Versailles. »
- E.GC Comment vous est venu l’idée de faire des miniatures ?
- PY.C  C’est simple, j’adore les châteaux, comme je n’ai pas les moyens de m’en payer alors je les fais en miniature. Ils m’entourent et je vis avec eux. J’ai toujours aimé faire les châteaux, leur intérieur, la chambre du roi, de la reine.
Il me plait à demander aux femmes, en m’adonnant à mon jeu de mots favori, si la chambre du roi leur a plu..  Ces dernières m’ont toute répondu « oui ! » Alors, « Madame, vous manquiez à la Cour et ... au Roi.

Le prestige de la monarchie est extraordinaire dans mon monde où tout est merveilleux : roi, prince, princesse, regardez les contes de fées ... il y a toujours un prince.
Tiens je vais vous montrer un tableau. C’est le portrait officiel de “Pierre XIV“ avec le blason officiel de ma famille! mais il y a eu la révolution !
Ma grand-mère possédait l’Orangerie de la sœur de Louis XVI, car il y a deux “Orangerie“, la grande au château, l’autre dans la ville de Versailles, avenue de Paris. C’est le cadeau de Louis XVI à sa sœur Elisabeth de France, guillotinée à 30 ans. Alors j’ai fait la grande et, devant elle, la petite.
Ça me remet en mémoire de nombreux souvenirs : Enfant je prenais mon petit-déjeuner, là, dans une tasse en porcelaine de chine, avec de l’argenterie de Sèvres, à mes pieds un jardin à la française ...
Génial dans ce cadre, mon vélo, ma grand-mère ; de mon enfance j’ai des souvenirs magnifiques, on ne se rend pas compte de toute cette chance, et maintenant j’essaye de transmettre tout ça à mes enfants ;
Mon fils de 21 ans me réponds : « Papa, c’est une vraie “cata“, tu es un véritable gosse ! »
« Oui, mais c’est ma force, il faut que je reste cet enfant c’est grâce à lui que je peux réaliser ma vie d’adulte et celle de dirigeant d’entreprise. »
- J.D. Tu es un poète et pour être poète, il faut rester enfant.

- PY.C. C’est affreux, dans la rue les gens marchent, tête baissée, ils te bousculent sans te voir. Moi, je suis dans un autre monde, au milieu de mes châteaux, je me mets de la musique classique, Rameau, du Vivaldi, et je bricole, c’est un régal.
Mais je n’ai pas fait que des châteaux royaux,,j’ai réalisé aussi la Maison Blanche et le palais de l’Elysée.
Maintenant certains voisins commerçants veulent que je fasse leur boutique, et j’en fais des tas... le coiffeur d’à coté, une agence de voyage, un atelier de haute couture, une brasserie, et une cave.
- E.GC. Revenons au monde des châteaux.

 

- PY.C. Je trouve ça superbe, j’ai commencé à faire des petites maquettes, comme beaucoup, puis j’ai rencontré quelqu’un du club internet de la miniature française, je me suis abonné à leur revue j’ai fait un article sur les parquets et différents autres... Il m’a conseillé de construire à l’échelle internationale de 1/12 (valable aux USA, dans les pays de l’UC, etc…)
Mais ça oblige à réaliser des pièces monumentales, ainsi, il m’a fallu 8 kilos de farine pour enneiger les pelouses du château de Versailles, mais ensuite, quand on a voulu reverdir les pelouses en passant l’aspirateur, nous avons créé un festival d’étincelles dues à l’électricité statique. !
- E.GC. Faites-vous des expositions ?
- PY.C. Oui, au centre commercial de Grenoble ; J’ai voulu que ce soit gratuit pour que les gens puissent tous venir voir. j’ai exposé également à Meylan à l’Hexagone, là, c’était payant car le profit allait à la lutte contre le Cancer.
- J.D. Tu as des maquettes partout dans le monde.
- PY.C. A Versailles, la seconde Orangerie ; elle appartient au Conseil Général. A Washington, il y a la “Chambre du Roi“, et puis dans des collections privées, mais je ne vends pas, je préfère offrir.
- J.D. Et le Château de Versailles ?
- PY.C. Il est dans le grenier, démonté, il fait 13 m2.
J’ai écrit 3 livres : le premier avec un éditeur qui avait des idées et le second avait le coup de foudre pour mes créations, quelqu’un d’extraordinaire sur le plan humain ! Le Député-Maire Mr Destot voudrait faire une exposition place de Verdun à l’ancienne bibliothèque devenue un musée avec des expositions temporaires.
Alors je lui ai dit « Je veux bien exposer, mais mes maquettes ne sont pas en allumettes, voyez vous-même,  ne m’invitez pas à un dîner de cons ! » Il a éclaté de rire avec sa cour !
Vous savez, tout le monde ne m’aime pas ! Je reçois des lettres d’insultes par la poste, anonymes, bien sûr.
« Vous n’êtes que la pâle copie de votre fille ! »
« A votre mort, vos enfants jetteront tout ça aux ordures et personnes ne viendra les ramasser dans les poubelles. »
Il y en a de plus salées, mais, plus c’est agressif, meilleur est mon plaisir.
- E.GC. Oui, c’est bien de pouvoir traiter tout ça par la dérision. Et c’est même la meilleure des réponses.
- J.D. Ne jamais se prendre au sérieux. Tu as toujours su le faire, mais, cependant tu as aussi eu droit aux honneurs ?
- PY.C. Oui, en 1999, j’ai remporté le 3° Prix de “Paris-Création“ En 2001 France 2 a diffusé une présentation de “la chambre du Roi“, de la “Galerie du couronnement“, de La “Chambre de la Reine“.  Et,  Fr3, un reportage,  “Un homme une Passion“, etc...
Mais je préfère rester dans ma bulle ; J’ai mes principautés, mes châteaux et les élèves de l’école d’architecture viennent pour les étudier.
Des enfants les visitent avec leur professeur, les Compagnons du Tour de France.
Je fais également des ateliers pour apprendre à des enfants. Quand on a une passion, il faut savoir la partager et, si possible, la transmettre.
- J.D. C’est long pour faire une maquette ?
- PY.C. Oui, pour la “Maison Blanche“, j’ai mis deux mois. Par bonheur j’ai la chance de diriger “Eclats de Verre“, ça me donne la possibilité d’avoir des ateliers, donc de l’espace.
On visite ?
En passant de pièce en pièce, il s’arrête ça et là, pour montrer et expliquer. Là, tu vois, sur cette façade, les chenaux sont faits avec des pailles à boire les jus de fruit. Sur le sol, les carrelages sont tracés avec une mine graphite. Les sujets, je les ai moulés avec une résine conseillée par mon père, lui qui durant quarante ans a restauré les plafonds de Versailles. Cette résine est légère souple et peut se réutiliser des centaines de fois en la réchauffant, et cerise sur le gâteau, elle est bien moins coûteuse que les autres résines.
La visite se poursuit en parcourant les ateliers qui servent au magasin où se construisent, entre autres, les encadrements, mais ceci est une autre histoire ...
Sites : miniatures.chavanon.free.fr  et albchavanon@free.fr